La terre

L’utilisation de la terre comme matériau de construction date au moins du Mésolithique (-10000)
Si elle a été oubliée après 1945, le monde rural redécouvre peu à peu les propriétés étonnantes de cette matière chaude et sobre.

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Les propriétés de la terre

La terre est un matériau qui possède d’excellentes qualités dans différents domaines:

Sa forte densité et sa granulométrie hétérogène en font un excellent isolant acoustique.

Elle possède une excellente capacité à stocker la chaleur et à la restituer sur une durée étendue. En outre, sa structure régule naturellement la quantité de vapeur d’eau à l’intérieur des bâtiments (air jamais trop humide, ni trop sec), ce qui permet d’abaisser les températures de confort, une légère humidité favorisant la transmission de la chaleur extérieure. Toutes ces qualités sont autant de facteurs d’économies d’énergie.

carte torchis-terre

Les techniques de construction associées

Les 20% d’argile qui composent le mélange sont extraits dans le terrain à bâtir soit en retirant une fine couche sur une grande surface, soit en créant une mare. L’argile extraite en hiver est ensuite mouillée, retournée et tapée à la fourche, après avoir «pourri» quelques mois sur place. Elle est foulée longuement par des chevaux ou au tracteur pour obtenir un mélange plastique. Enfin, elle est mélangée à des fibres de toutes sortes (seigle, jonc, crin…) et pilée à pied d’homme.

Il empêche les remontées d’humidité par capillarité. Il est réalisé en pierres maçonnées à l'argile ou à la chaux et mesure environ 60 cm d’épaisseur sur 80 cm à 1 m de haut, voire sur une hauteur d’étage. Il repose éventuellement sur une fondation. La terre argileuse réagit avec l’eau comme une éponge. Les principales pathologies de la terre sont donc liées à l’humidité, qu’elle vienne de dessous (remontée capillaire du sol) ou du dessus (défaillance de la toiture).

Les murs en mâsse (ou bauge)

Le mur en mâsse représente 35% du bâti du Bauptois, 15% de celui du Saint- Lois, 6% du Coutançais, 3% du Bocage Virois et 3% du Plain. La mâsse est montée à la fourche et tassée afin d’obtenir une bonne cohésion entre les fourchetées disposées en quinconce. Selon la tenue de la terre, les maçons procèdent par levées de 60 à 80 cm (voire 1,20m) séparées par un temps de séchage. Durant celui-ci, la mâsse est resserrée régulièrement à coups de trique (sorte de fouet) qui laisse souvent des traces caractéristiques. Deux à trois semaines plus tard, la terre est retaillée à la paroire (bêche) pour obtenir un parement vertical à l’intérieur et un léger fruit à l’extérieur. S’il n’y a pas d’enduit, la mâsse est lissée à la truelle, le mur fini a une épaisseur de 40 à 60 cm de large.

Les murs en gazon d'argile

Le gazon est une variante courante dans le Saint-Lois, le Coutançais et dans le sud manche. Le mélange terre/herbe est découpé en mottes rectangulaires (environ 10cm x 20cm) de 10 à 15cm d’épaisseur. Les pains de terre obtenus (gazon ou pâton) sont disposés à plat en quinconce ou à l’oblique rappelant ainsi des arêtes de poisson. Les assises successives s’élèvent de 60 à 80 cm de hauteur. Comme pour la mâsse, le mur sera resserré à la trique et taillé à la paroire.

Les ouvertures

Deux procédés toujours valables aujourd’hui permettent de réaliser les ouvertures :

› Pendant la construction : les jambages (bois ou pierre) sont posés au fur et à mesure et servent de coffrage. On peut éventuellement les enlever après.

› Après le séchage : les ouvertures sont taillées à la hache. Des jambages peuvent y être éventuellement scellés par la suite. Pour reboucher une ouverture ou un trou, on comble le vide par de la mâsse mélangée à de la terre du sol ou issue d’une ruine proche afin de conserver la couleur.

Réhabiliter un bâtiment en terre ne s’improvise pas

La terre n'est pas un élément inerte. Elle vit! Restaurer la maçonnerie en terre demande que l'on respecte certaines règle, afin d'assurer sa bonne tenue dans le temps

soigner les pathologies

Dans la plupart des réhabilitations,le souhait est de donner un nouvel aspect au bâtiment :

› procéder à des réparations diverses (alvéolisations, fissures, dégradations,éboulements, faux-aplombs, etc...)

› réaliser des aménagements intérieursnécessitant de nouveaux percements.

murs remede

› Les alvéolisations peuvent être rebouchées par un mélange de terre à peine humide, après assainissement du trou.

Les fissures (si elles ne sont pas dues à une cause plus grave comme un tassement de fondation ou un affaissement de soubassement) peuvent être stabilisées par des couturages d’acier, puis rebouchées avec le même type de mélange que pour les alvéolisations. Les dégradations, suivant l’importance des dégâts, peuvent être traitées soit par un simple rebouchage des trous, soit plus radicalement par un abattage partiel de la partie dégradée suivi d’un remontage, conformément aux méthodes traditionnelles de la mâsse.

Les éboulements et faux-aplombs demandent l’abattage du mur jusqu’à revenir à un aplomb tolérable, puis la réédification du mur.

Grâce aux stages mis en place par les différents acteurs professionnels et institutionnels, des entreprises formées à ce type de réhabilitation peuvent intervenir sur les constructions en mâsse

Les enduits au ciment sont totalement à proscrire

L’enduit au ciment n’empêche pas la pénétration de l’eau dans le mur de terre, notamment sous la pression du vent. Mais, inversement, les migrations qui se font de l’intérieur du bâtiment vers l’extérieur sont stoppées par la barrière de l’enduit au ciment : le mur ne respire plus.

Il s’en suit une stagnation de l’eau au contact du ciment et de la terre. L’eau s’attaque au matériau le moins résistant,en l’occurrence la terre, entraînant une dégradation non apparente de la maçonnerie ainsi qu’un soufflage et un décollement de l’enduit. À plus ou moins long terme, on peut arriver à une ruine du mur.

Qui plus est, les enduits au ciment dénaturent l’aspect originel du bâtiment. C’est pourquoi il faut privilégier les enduits à la chaux, additionnés d’une forte proportion de terre, le cas échéant

Il convient d’éviter, sauf à entrer dans une logique de composition contemporaine, le percement de grandes baies, plus larges que hautes, qui défigurent les façades. Pour améliorer l’éclairage naturel d’une pièce, il est préférable d’ouvrir de nouvelles fenêtres, quitte à en regrouper deux sous un même linteau de bois. Dans ce cas, le meneau * central devra faire au moins 50 à 60 cm de large.

oui et non

Prévenir, c'est choisir le bon enduit

Les enduits à la C.A.E.B. ont l’avantage d’être des matériaux gras et de présenter une porosité similaire à celle de la terre. Ainsi, l’enduit ne fait plus obstacle aux migrations d’humidité et les risques de dégradation de la terre sont écartés. En outre, la C.A.E.B. conserve la couleur des autres composants que l’on y mélange. Elle offre ainsi la possibilité de conserver l’apparence d’une maçonnerie en terre par un choix judicieux de sable (couleur et granulométrie) ou par un ajout de terre.

Le professionnel qui sera chargé de la pose de l’enduit procèdera selon les étapes suivantes :

buchage
› Bûcher le mur pour obtenir un support sain et solide.
› Mélanger à la C.A.E.B. un sable non lavé d’une couleur approchant celle de la terre.

› Ajouter de la terre finement tamisée(récupérée si possible d’un mur en démolition), pour retrouver la couleur de la maçonnerie.

› Le mélange C.A.E.B. + sable + terre se fait en phase sèche. Les proportions peuvent varier selon la nature de la terre, mais elles sont en règle générale d’une unité de C.A.E.B. pour deux de sable et une de terre.

CAEB

Lorsque le mélange est parfaitement homogène, l’eau est rajoutée jusqu’à l’obtention d’un mélange pâteux, lisse sous la truelle. Attention : une trop forte teneur en terre pourrait donner un enduit trop gras qui faïencerait exagérément.

› Mouiller le mur au jet ou à la brosse, en évitant l’érosion et les coulures. Répéter l’opération 2 à 3 fois, puis réaliser le dégrossis. Laisser durcir pendant 2 à 3 semaines (le durcissement de la C.A.E.B. se faisant par réaction avec l’air et non avec l’eau, comme pour le ciment). Le fait que le gobetis puisse craqueler ne présente pas de risque, au contraire : il n’en constituera qu’un support plus stable pour la finition.

› La deuxième couche pourra alors être talochée, lissée ou grattée. Pour des raisons esthétiques, on peut incorporer des agrégats de granulométrie variée, afin d’obtenir des textures et des accroches de lumières différentes.

Savoir aménager, pour mieux protéger

Les parois froides

En principe, les murs en terre n’ont pas besoin d’être doublés d’un isolant si l’on veut profiter au maximum des capacités de régulation hygrothermique de la terre. Pour les murs nord jamais exposés au soleil, peuvent apparaître des sensations d’inconfort par phénomène de paroi froide. Pour contrer ce phénomène, il convient d’utiliser des matériaux qui ont la capacité de se réchauffer rapidement en surface ("éffusivité" faible). Les fibres végétales ont cette capacité. Ainsi, un lambrissage ventilé à hauteur d’homme peut être une réponse, un enduit “chaux-chanvre” mince peut en être une autre. S’il s’avère malgré tout nécessaire d’isoler le mur, les doublages devront comporter une lame d’air ventilée de 3 à 4cm d’épaisseur. Elle a pour but de permettre la respiration continue du mur entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Le doublage est fixé sur le mur, soit par des plots, soit par des tasseaux disposés en quinconce pour laisser circuler l’air. La ventilation pourra se faire par des grilles hautes et basses, placées en opposé dans la diagonale de chaque panneau

schéma n°1

Les finitions intérieures

Si les murs ne sont pas doublés, ils pourront être enduits. Comme les enduits extérieurs, le matériau utilisé devra présenter une porosité similaire à celle de la terre pour permettre la respiration du mur et ne pas entraver les migrations d’humidité. Pour une finition lissée, deux techniques possibles
› la C.A.E.B. pour les mêmes raisons que les enduits extérieurs;
› le plâtre lissé ou sablé-gratté qui satisfait également les critères exigés. Le plâtre lisse possède l’avantage de permettre l’application d’une peinture ou la pose d’une tapisserie. En outre, le plâtre accroche très bien sur la terre, à condition de ne pas faire de surcharges. Il est même conseillé pour les réseaux électriques de faire tous les scellements de gaines et boîtes avec du plâtre

schéma n°2

Le mode de chauffage

Tout type de chauffage convient à l’architecture de terre. Mais, pourmettre à profit la capacité de la terre à accumuler la chaleur et à la restituer lentement, il est conseillé d’utiliser les chauffages à forte inertie thermique tel que le chauffage par le sol basse température (à noyer dans une chape). Ce type de chauffage donne des températures régulières du sol au plafond, ce qui est intéressant en termes de confort thermique et permet d’éviter les condensations en partie basse des murs, notamment dans le cas de soubassements en pierre.

La brique

La brique en argile cuite au four était façonnée à la main, dans un moule en bois jusqu’à la fin du XIXème siècle. Son utilisation est peu fréquente dans nos régions mais peut parfois orner quelques encadrements. Le liant traditionnel reste l’argile ou la chaux. La Manche a abrité 24 sites de production de céramiques (répartis sur 16 communes) alors que le Calvados en compte 204 et l’Orne 254. Ils fabriquaient des briques, des tuiles, des tuyaux et des tommettes.

à suivre